L'égalité des territoires est-elle une chimère ?

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Qu’est-ce que l’Egalité des territoires ? Un droit au développement pour tous ceux-ci ? "Oui, à condition de s’entendre sur la notion de développement", prévient Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des dépôts, en introduction d’un colloque sur ce thème, organisé en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, le 28 juin.

La notion d’égalité des territoires est apparue en 2012, comme un des thèmes de la campagne de François Hollande. Une fois celui-ci installé à l’Elysée, il a fallu passer de l’incantation à la mise en œuvre, raconte Stéphane Cordobes, prospectiviste au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) justement, le nouveau nom donné pour l’occasion à la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoires et à l’attractivité régionale). Le CGET, à qui incombe donc la tâche de transcrire dans les faits cette volonté d’égalité des territoires, a "passé une bonne partie du quinquennat à se demander ce que c’est que cette notion". Stéphane Cordobes préfererait pourtant parler d’"injustices territoriales", ce qui permettrait de distinguer les différences acceptables entre territoires, et celles qui doivent faire l’objet d’une politique correctrice.

Après la phase de mise en place du Commissariat général, "énormément a été fait pendant le quinquennat", souligne-t-il néanmoins. Et de citer le grand mouvement de contractualisation lancé ces dernières années, des Contrats de plan Etat-Région (CPER), qui ne sont pas nouveaux, aux pactes Etat-Métropoles, et enfin les contrats de ruralité. Le gouvernement a également fortement incité à "la coopération entre territoires, et entre collectivités et acteurs locaux". Enfin, en termes d’innovation, un contrepied a été pris par rapport aux méthodes de la Datar, et il a été décidé de "détecter les initiatives plutôt que de planifier d’en haut", afin de "permettre leur développement et leur essaimage", indique Stéphane Cordobes.

La France, pays le plus égalitaire

Les autres intervenants, universitaires et responsables d’associations de collectivités, sont en tout cas tombés d’accord sur un point : s’il y a un problème "d’injustice territoriale" en France, ce n’est pas celui qu’on croit. Il y a bien une France coupée en deux, entre aires métropolitaines et zones rurales. Mais notre pays est celui d’Europe qui "redistribue le plus" des premières vers les secondes, pointe Philippe Estèbes, géographe. Exemple : pour 1 000 élèves, on trouve près du double d’enseignants en Lozère qu’en Seine-Saint-Denis.

Cette solidarité n’est "pas le problème", estime l’universitaire, mais "elle pourrait régresser, à mesure que les données sont mieux connues, et que les métropoles se rendent compte de ce qu’elles redistribuent". Laurent Davezies, économiste, spécialiste de l’économie résidentielle, enfonce le clou : si l’on se réfère au PIB, l’Ile-de-France est la première région de France, et le Limousin, parmi les dernières. Mais lorsqu’on regarde l’indicateur santé-social (ISS), qui agrège des données relatives au bien-vivre, comme le taux de pauvreté, la mortalité infantile ou le nombre d’expulsions locatives, le Limousin est premier et l’Ile-de-France… 18e. Les politiques publiques redistributrices sont favorables aux zones les moins denses, c’est un fait. L’enjeu devient donc, pour améliorer les conditions de vie partout, de "sacraliser la croissance au niveau national", martèle Laurent Davezies, "et au niveau local, de se concentrer sur le développement".

Développer les terrioires dans la diversité

Ce développement  peut et doit être porté par le couple Intercommunalité-Région, rebondissent Nicolas Portier, délégué général de l’Association des communautés de France (AdCF) et Gilles Mergy, directeur général de Régions de France. D’un côté, "la montée des compétences des EPCI [Etablissements publics de coopération intercommunale] peut permettre l’émergence de vrais projets de territoires", formalisés dans les documents d’urbanisme. Cette émergence de projets "par le bas" sera favorisée par la "mise en réseau" des territoires et "l’encapacitation" des acteurs. 

A leur échelle, les Régions ont aussi les moyens de soutenir des projets : via leurs schémas (Sraddet, Sdreii…), qui sont de "bons vecteurs de dialogue interterritorial au moment de leur élaboration", mais qui restent parfois lettre morte. Par les projets portés en propre par les Régions, également. Enfin, par la contractualisation, qui n’est pas du seul ressort de l’Etat, et qui "permet de définir à plusieurs les modalités d’intervention", mais qui "pose la question de la maille territoriale pertinente". A noter, aucun intervenant n’a suggéré qu’il pourrait s’agir de l’échelon départemental.

En couverture : la métropole lyonnaise. © Puca / Bénédicte Bercovici

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