d'a n°322
Faut-il arrêter de construire ?

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Moins de construction, plus d’architecture

Qui aurait imaginé à l’aube du XXIe siècle que ce soient les architectes eux-mêmes qui prôneraient un jour l’arrêt des constructions comme remède ultime à l’effondrement des ressources et à la crise climatique ? Mais soyons plus précis : il s’agit moins de ne plus construire que d’arrêter de détruire des terres encore non artificialisées ou des bâtiments existants pour ériger des bâtiments neufs. Précisons également que cette injonction s’adresse d’abord aux régions du monde dont la démographie est relativement stable : les pays riches. Certes, la France subit elle aussi une forme de crise du logement, mais contrairement à ce que tentent désespérément de nous faire croire les lobbies du BTP et de l’immobilier, la pénurie – réelle – d’habitations immédiatement disponibles est due à d’autres facteurs : une mauvaise répartition territoriale due à l’hyper-métropolisation, et à la vacance ou à la sous-occupation de trop nombreux logements.

Un temps, nous avons cru qu’en passant aux matériaux biosourcés et aux énergies renouvelables nous pourrions continuer comme avant. Or, si le développement de leur usage s’impose comme un impératif majeur, on sait maintenant qu’il ne suffira pas, loin de là, à décarboner suffisamment1. Alors que faire ? Sommes-nous condamnés à nous entasser dans des appartements communautaires ? à dresser des yourtes ? à attendre une meilleure répartition territoriale des activités économiques – et donc de l’offre de logements –, c’est-à-dire au minimum plusieurs décennies ? Les architectes vont-ils devenir inutiles ?

Non, au contraire ; cette révolution peut être une formidable opportunité pour refonder et légitimer le rôle de l’architecture et pour rendre nos paysages urbains et ruraux plus beaux et plus habitables. Car il ne s’agit pas de ne rien faire, il s’agit de faire autrement, en privilégiant la transformation du patrimoine existant, surtout le plus ordinaire. À l’opposé des bâtiments qui naissent comme des clones sur les pseudo-écoquartiers de nos banlieues et que l’intelligence artificielle peut déjà concevoir sans les architectes, la régénération de l’existant exige un immense savoir-faire et une stratégie contextuelle fine propre à chaque cas : la capacité d’établir un diagnostic savant et précis, autant en termes techniques qu’humains, et l’intelligence d’adaptation de la conception à la livraison du projet. Enquêter, dialoguer, projeter, s’adapter : qui d’autre que l’architecte serait mieux à même d’orchestrer ces compétences ? Mais la mise en œuvre de ces savoirs dans l’existant exige, à mètre carré égal, beaucoup plus de temps d’étude. Or, les budgets au mètre carré de ces opérations sont souvent inférieurs. Cet engagement vertueux – dans la mesure où il épargne le coût des démolitions et conduit à consommer moins de ressources – ne devrait-il donc pas être rémunéré à l’aune des économies qu’il génère ? Arrêter de construire pourrait ainsi paradoxalement offrir plus de travail aux ingénieurs et aux architectes : déconsommation n’est pas forcément décroissance. Faisons de l’intelligence architecturale l’une des plus puissantes énergies renouvelables.

Emmanuel Caille

  1. Voir le dossier « Les matériaux naturels au secours du climat ? », réalisé par Stéphane Berthier, d’a n° 310, septembre 2023 ; lire aussi : Sans transition, une nouvelle histoire de l’énergie, Jean-Baptiste Fressoz, Écoscène Seuil, janvier 2024.

 

LEGENDE COUV

En couverture : détail du dessin ci-contre tiré de Compulsion, le dernier album de François Schuiten, sur un scénario d’Adam Roberts et publié chez Dargaud en novembre 2024 (lire notre critique p. xx). Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

SOMMAIRE :

MAGAZINE

4 > Prix d’architectures 10+1 2024

9 > Le dessin de Martin Étienne

10 > PARCOURS

Wim Cuyvers, l’échappée

20 > POINT DE VUE

Non, Notre-Dame de Paris n’est pas une pièce montée

24 > RAZZLE DAZZLE

Genius loci

30 > PHOTOGRAPHIE

Jeremy Edwards, l’art d’accommoder les restes

38 >LE GRAND ENTRETIEN

L’art de bâtir les forteresses, entretien avec Philippe Prost

48 > CONCOURS

Concours pour la construction de la Médiathèque centrale de l’agglomération de Carcassonne

 

DOSSIER

FAUT-IL ARRÊTER DE CONSTRUIRE ?

62 > Face aux limites planétaires, en finir avec la construction neuve irraisonnée

68 > « Arrêter de construire ne signifie pas ne rien faire », entretien avec Charlotte Malterre-Barthes

72 > Face à son obsolescence, trois scénarios pour l’architecture, par Mathias Rollot

78 > Chronique d’un concours ordinaire à Tourcoing

82 > « L’art d’accommoder les restes » : l’Autre Soie, Villeurbanne

92 > Au-delà d’une simple rénovation thermique : la Cité universitaire Chanzy, Nantes

98 > Réactiver le patrimoine ordinaire : la Petite Gare, Rezé

102 > Faire de la norme un dispositif architectural : le 206 Lafayette, Paris

 

GUIDE

112 > LIVRES 2024

La sélection de la rédaction

132 > D’A LAB

Sustainable screen

141 > TECHNIQUES

Éclairer selon les usages

146 > DOSSIER : CLASSEMENT PAR CHIFFRE D’AFFAIRES DES AGENCES D’ARCHITECTURE FRANÇAISES (au CA > à 1 million d’euros)

« Passer de l’aménagement au ménagement du territoire », entretien avec Olivier Celnik, cofondateur de l’agence Z.STUDIO et élu au CNOA

Entre les pages 177 et 178, Publi-rédactionnel : L’ANNUEL 2024 DES AGENCES D’ARCHITECTURE

179 > AGENDA

186 > QUÈSACO ?

>Prochain numéro de d’architectures, n° 323, février-mars 2025

 

En couverture : détail d’une planche (voir la planche dans son intégralité p. 3) tiré de Compulsion, le dernier album de François Schuiten, sur un scénario d’Adam Roberts et publié chez Dargaud en novembre 2024 (lire notre critique de l’album p. 113).
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.