Locations touristiques : réguler "l'airbnbisation" des quartiers

"Paris est encore habitée en son cœur, c’est une grande richesse", mais certains quartiers se dénaturent par le nombre croissant des locations touristiques. Le 16 octobre, des élus et des acteurs privés ont rappelé les risques de ce phénomène, s’appuyant sur la dernière étude de l’Adil, "Locations touristiques à Paris : contrôler leur développement, le difficile équilibre à trouver" (1). Car il ne s’agit pas, pour les intervenants, dont Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, d’interdire les locations touristiques, mais "de placer le curseur au bon endroit". Afin de "réguler" l’activité, et répondre aux besoins des touristes. 

La table-ronde s’est tenue dans le 4e arrondissement, et ce n’est pas un hasard,  comme l’a souligné Galla Bridier, présidente de l’Adil de Paris, puisque "c’est l’arrondissement le plus touché" par cette "ubérisation" de la location par les plateformes dédiées : "un logement sur trois y est vacant". En pleine crise du logement, la Ville de Paris entend récupérer des m2, c’est l’enjeu numéro un selon l’adjoint à la maire. Mais les enjeux sont aussi d’ordre économique, insiste Jacques Barré, président de l’Umih (Union des syndicats des métiers des industries de l’hôtellerie), dénonçant une forme de concurrence déloyale. L’étude de l’Adil met en exergue cette "injustice de la rentabilité", qui touche le marché hôtelier conventionnel, sur qui, contrairement aux plateformes, pèsent de lourdes obligations réglementaires (sécurité, équipement, hygiène, accessibilité…), au "détriment du confort des clients",  ajoute Jacques Barré, qui dénonce cet "excès de normes". En outre, selon l’Adil, la prolifération de ce type de locations engendrerait des nuisances pour les riverains. 

En réponse à un phénomène qui prend de l’ampleur (2), les pouvoirs publics entendent légiférer. A Paris, depuis octobre dernier, les propriétaires désirant louer leur logement moins de 120 jours par an – seuil actuel légal -  sont tenus de s’enregistrer auprès de la mairie. La démarche deviendra obligatoire au 1er décembre prochain (environ 3 000 logements ont été enregistrés à ce jour, il y a encore de la marge !). Objectif : que les plateformes de location inscrivent le numéro d’enregistrement sur chaque annonce, et qu’elles puissent les bloquer au bout de 120 jours. "Nous souhaitons aller encore plus loin", lance Ian Brossat, mais "que fait le législateur ?", interroge l’adjoint pour qui "120 jours, c’est trop". Les durées doivent être revues à la baisse – entre 60 et 90 jours – et "fixées par les collectivités", s’accordent à penser les intervenants. Au-delà de 120 jours, le changement d’usage s’impose et requiert une autorisation préalable, subordonnée à un régime de compensations. Et "qu’en est-il du décret qui force les plateformes à bloquer l’annonce quand la durée est dépassée ?", poursuit l’élu. 
En attendant, la municipalité parisienne dispose d’une équipe de 25 agents pour traquer les logements loués dans l’illégalité. Dispositif qui doit encore prouver son efficacité, sachant que, pour l’heure, aucune transversalité entre la trentaine de plateformes identifiées permet de connaître exactement le nombre de nuitées totale par an et par logement. En outre,  la loi ne distingue pas les locations partielles des mises à disposition de logements entiers. Or, "je ne vois pas pourquoi pénaliser le propriétaire qui loue une chambre. Nous, ce que nous voulons, c’est récupérer du logement", insiste Ian Brossat. 

Pacôme Rupin, député (LREM) de Paris, reconnaît que "la réglementation actuelle n’est pas assez efficace" et se dit "séduit par l’idée de laisser les municipalités décider du seuil de nuitées annuel". Selon lui, le bail mobilité aura son intérêt, notamment pour les résidences secondaires. "Enfin un peu de souplesse", se félicite Olivier Furgé, de l’Union des syndicats de l’immobilier, qui dénonce, par ailleurs, le poids fiscal et législatif qui pèse sur les bailleurs, pourtant "de vrais agents économiques". "Ce serait trop facile de dire que le problème du logement est dû aux locations touristiques", ajoute Pacôme Rupin. La priorité, selon lui, est de travailler sur la "défiance entre locataires et propriétaires". 
La Ville de Paris compte organiser, au cours du premier semestre 2018, des "rencontres internationales" sur les locations touristiques, et créer un observatoire dédié à ce marché. Encore faut-il que les plateformes jouent le jeu. Notons qu’aucune n’était représentée à la table-ronde de l’Adil. (JS)

(1) L’étude de l’Adil est une synthèse technique du cadre juridique qui entoure les locations touristiques et liste également des propositions pour réguler davantage l’activité, à lire sur : www.adil75.org 

(2) A Paris, depuis 2009, près de 20 000 logements ont été retirés de la location longue durée, "on peut légitimement en déduire que la plupart ont rejoint l’offre de logements touristiques", selon l’Adil. D’après le relevé de septembre de l’Observatoire Airbnb, le nombre d’offres a augmenté de 53 % en un an, passant de 56 544 en octobre 2016, à 86 725 en septembre 2017.

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