Comment la réforme territoriale a-t-elle été appréhendée sur le terrain ? Après une vingtaine de déplacements, les rapporteurs de la mission sénatoriale de suivi et de contrôle ont rendu les conclusions de leurs travaux, mercredi 15 mars. L’occasion pour eux de formuler plusieurs constats et recommandations.
Le quinquennat de François Hollande touche à sa fin, et l’heure est aux bilans. Selon le secrétaire d’Etat en charge des Relations avec le Parlement, qui a présenté le 15 mars une communication sur le sujet en Conseil des ministres, 260 lois ont été adoptées au cours de ces cinq années. Le gouvernement "a modernisé l’organisation territoriale de la France" par toute une série de textes, a notamment indiqué André Vallini. Et de citer : la loi Mapam, la loi délimitant les nouvelles Régions, la loi Notre, la loi République numérique, la loi Montagne, la "loi réformant le statut de Paris et des agglomérations", ainsi que la loi créant la collectivité unique de Corse. Un foisonnement de dispositions qui n’a pas été sans conséquences pour les territoires : nouveaux périmètres des régions, refondation de la carte intercommunale, développement des communes nouvelles, redistribution des compétences entre collectivités… le tout dans un contexte de baisse drastique des dotations.
C’est pour observer au plus près comment ces différentes réformes étaient appliquées que la commission des lois du Sénat a mis sur pied, fin 2015, la "mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale". Cette dernière, dont les rapporteurs sont Mathieu Darnaud (LR), René Vandierendonck (PS), Pierre-Yves Collombat (RDSE) et Michel Mercier (UDI-UC), a présenté, mercredi 15 mars, les conclusions de ses travaux, qui feront prochainement l’objet d’un rapport. Pendant quinze mois, les rapporteurs ont effectué une vingtaine de déplacements, à l’occasion desquels ils ont rencontré près de 250 élus locaux et 200 représentants de l’administration territoriale de l’État et de la société civile. Globalement, compte tenu de l’ampleur des bouleversements et des délais relativement restreints prévus par les différents textes, la réforme a été plutôt bien appréhendée sur le terrain, ont-ils fait savoir. Un bilan qui n’exempte pas les sénateurs de dresser une liste de constats, au premier rang desquels la question du calendrier. "Axe essentiel redéfini par la loi Notre", selon Mathieu Darnaud, la montée en puissance de l’intercommunalité, notamment en termes de périmètres, a souffert de ces contraintes. "Tout cela est allé très vite : les schémas ont été présentés à l’été 2016, voire au deuxième semestre, pour une application au 1er janvier 2017. Les élus sont unanimes : ils ne sont pas forcément contre la réforme, mais elle va trop vite dans la capacité à prendre en compte de nouvelles compétences, notamment en termes d’urbanisme, d’eau ou d’assainissement", poursuit le sénateur. Idem pour les Régions : "l’élaboration des Sraddet doit être suivie d’un mouvement de contractualisation avec les intercommunalités : donnez-nous un délai !", résume René Vandierendonck, qui souhaite que les "solutions de différenciation territoriale qui existent dans la loi soient amplifiées". La mission réclame ainsi "l’application pragmatique des dernières réformes dans les territoires, ce qui implique de donner aux élus locaux une boîte à outils souple qui leur permette de trouver les réponses adaptées à leurs territoires".
La tentation des métropoles
Par ailleurs, les rapporteurs ont fait part de plusieurs sujets d’inquiétudes. "Dans cette nouvelle étape de la structuration intercommunale, quel rapport à la proximité, cher à nos concitoyens et aux élus locaux ? Comment va s’opérer la relation commune/intercommunalité ?", s’interroge Mathieu Darnaud, rappelant le "rôle central joué par la commune dans la construction intercommunale". Autre point de mécontentement pour la mission, les métropoles. Reprenant la position défendue par le Sénat lors des débats sur la loi relative au statut de Paris, qui ouvre la voie à la création de sept nouvelles métropoles, la mission voit d’un mauvais œil cet élargissement et souligne "l’ardente nécessité de définir ce que l’on entend par métropole". "Quinze métropoles, on peut l’admettre. Aujourd’hui, on est à 22, et on voit apparaître des candidats à la candidature…", regrette le sénateur de l’Ardèche, pour qui l’émergence d’une métropole doit rester liée au fait urbain, alors que "certaines, pour atteindre le seuil de population requis, s’étendent sur le périurbain, voire le rural…" La mission recommande, pour "éviter cette course à l’échalote" vers le toujours plus grand, de "repenser le système de dotations pour qu’elles soient plus uniformes". Elle rappelle également qu’il faut "poursuivre le travail d’évaluation de l’application des dernières lois […] avant toute nouvelle évolution législative de l’organisation territoriale".