Est-ce que la culture du risque peut mener à la conscience que la catastrophe peut nous atteindre, nous, personnellement ? C’était la première question posée lors de la table ronde "conscience, culture, perception, mémoire du risque inondation : où en est-on ?", organisée par la préfecture d’Ile-de-France le 20 juin. Pour Julien Jadot, chargé de mission du Centre européen de prévention de risque d’inondation, "rendre le citoyen responsable de sa propre sécurité et de la sécurité civile, des autres" est l’objectif de l’information préventive. Au moyen de dispositifs réglementaires : affichage, repères de crues, réunions publiques, Informations acquéreurs-locataires (IAL) et Document d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim). Leur impact sur la connaissance du risque et la conduite des personnes concernées apparaît pourtant médiocre à cause de la "très faible connaissance de ces dispositifs", déjà en place depuis plusieurs années. Car lorsque l’information est à disposition, les habitants vont la chercher, or "chercher l’information c’est déjà être sensibilisé". La méconnaissance du risque est courante, "les gens savent qu’ils habitent en zone inondable, mais ils ne savent pas ce que cela représente".
Isabelle Richard, psychosociologue de l’environnement du bureau d’études Mayane, reprend l’expression des habitants qui s’imaginent "les pieds dans l’eau" en cas d’inondation. Ensuite, le changement comportemental face au risque dépasse la simple connaissance du danger. Selon Isabelle Richard, il suppose de passer par cinq étapes : la perception, la représentation d’un risque invisible, "l’éveil émotionnel" – qui correspond à la prise de conscience réelle du risque – et enfin, l’acceptation, pour donner la capacité d’agir et permettre "l’adaptation comportementale". La difficulté de faire prendre conscience aux habitants d’un risque invisible et qui reste dans le domaine du possible, est mise en lumière par l’intervention dans la salle d’un élu francilien ; il raconte qu’après une première, puis une deuxième fausse alerte, les habitants concernés, n’y croyant plus, ne prenaient plus les dispositions nécessaires. Autre exemple : la prise en compte du risque inondation n’intervient absolument pas dans le choix du lieu d’habitation, même si celui-ci est connu par le nouvel arrivant. Jacques Faye, chef du bureau Prévention, coordination et prospective du ministère de la Transition écologique et solidaire, explique qu’aujourd’hui, seuls les scolaires bénéficient d’une sensibilisation spécifique avec des exercices. Une enquête du Cepri* a révélé que le bouche- à-oreille est très efficace pour sensibiliser les personnes, alors plus réceptives à la mise en garde d’un de leurs proches.
Serge Tisseron, psychiatre spécialisé sur la résilience, parle quant à lui, du besoin d’une "mémoire narrative". Il faut réussir à transmettre une information sur un risque anxiogène, sans pour autant dramatiser et créer un déni. Les repères de crues jouent un rôle important, mais il faudrait les "accompagner de panneaux explicatifs et les mettre plus en valeur dans le trajet quotidien des habitants". Autre solution, la réalité virtuelle, plus ludique et pédagogique. Une question du public : "les institutionnels ne devraient-ils pas eux aussi, être sensibilisés ?", trouve une réponse désabusée de Jacques Faye, qui indique que dans certains pays, les maires doivent suivre une formation, "mais pas en France". Et ce n’est pas à l’ordre du jour.
* "Evaluation des dispositifs réglementaires sur le risque inondation et la sensibilisation. Quelles informations préventives pour les populations aux comportements adaptés ?"
Risque inondation : comment responsabiliser les citoyens ?
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