Mal-logement : 5 candidats devant la Fondation Abbé Pierre

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La Fondation Abbé Pierre a profité de la remise de son 22ème rapport sur le mal-logement pour interpeller certains candidats à la présidentielle sur la partie logement de leur programme. Isabelle Le Callenec, qui représentait François Fillon, absent,  Jean-Luc Mélenchon,  Yannick Jadot,  Benoît Hamon et Emmanuel Macron ont présenté,  durant 30 minutes chacun,  leurs mesures phares et répondu aux questions de la fondation. On peut regretter l’absence de Marine Le Pen, qui n’était pas invitée pour "cause de désaccord trop profond avec les valeurs de notre mouvement", clarifiait Christophe Robert.

Isabelle Le Callenec : "Accepter l’idée que la France n’est pas homogène"

En l’absence de François Fillon, excusé pour des raisons personnelles, c’est Isabelle Le Callenec, vice-présidente du parti LR, qui s’est retrouvée devant l’auditoire pour parler des propositions sur le logement du candidat du même parti. Invitée par Christophe Robert à s’exprimer sur l’avenir réservé à l’APL, elle a assuré que sa remise en cause n’était pas prévue dans l’allocation sociale unique voulue par le candidat LR à la présidentielle. Néanmoins, il est clair que l’APL va se retrouver mélangée avec les autres minima sociaux dans l’aide sociale unique. Quid de sa disparition ? Pas de réponse ferme chiffrée, "ce sera François Fillon qui le fera" à l’occasion d’une rencontre avec la fondation, assure-t-elle. Sur l’encadrement des loyers, qui est un "mauvais signal envoyé au propriétaire", la vice-présidente LR lui préfère un bail homologué afin de mobiliser le parc privé et d’inciter les propriétaires à proposer des logements abordables qui correspondent aux revenus ou "au reste à vivre" des personnes dans le besoin. Autre point évoqué, la loi SRU, bête noire de sa famille politique. "Des communes ont été pénalisées par le renforcement de la loi", estime Isabelle Le Callenec, car il faut "accepter l’idée que la France n’est pas homogène". Elle considère cependant que l’objectif de 25 % de logements sociaux est "sûrement pertinent dans certains endroits mais pas partout, notamment en zone rurale". Celle qui ne pensait pas se retrouver face à cet auditoire pas vraiment acquis à sa cause est apparue en difficulté. Mais elle assure que si François Fillon est élu président, le volet logement sera prêt pour la loi de programmation.

Jean-Luc Mélenchon : "Investir 100 Md€ lors du quinquennat"

Le candidat de "La France Insoumise" estime que l’argent n’est pas un problème, contrairement à ce que disent les autres candidats. Pour Jean-Luc Mélenchon, le logement n’est pas une dépense mais un investissement et "lorsque l’on met 1€ en investissement cela produit 3€ d’activités" ; et c’est le FMI qui le dit, "ce n’est pas un organisme bolchévique", se plaît à rappeler le candidat. Cela tombe bien, car il prévoit d’investir 100 Md€ lors de son quinquennat, dont 18 Mds consacrés au logement pour réaliser 200 000 logement sociaux et en rénover 700 000 par an, dans le but de les rendre à énergie positive. La politique de "zéro sans abri" est possible,  selon celui qui donne "la priorité au collectif par rapport à l’individuel". Il souhaite aller vers une sécurité sociale du logement, exactement comme le propose la fondation, afin que "le logement devienne pérenne pour tout le monde". Jean-Luc Mélenchon prévoit également "l’augmentation des aides directes de l’Etat en mettant, notamment, le paquet sur les aides à la pierre afin de casser le mécanisme de spéculation immobilière". Redéployer les aides fiscales du logement privé, ou imposer au promoteur un quota d’au moins 30 % de logements sociaux, sont aussi envisagés.

Yannick Jadot : "Prélever 1 % des bénéfices des promoteurs immobiliers"

Le candidat qui a remporté la primaire d’Europe Écologie-Les Verts n’a pas été très précis sur son programme. Il propose néanmoins de rénover 700 000 logements par an d’ici la fin du quinquennat, en donnant la priorité aux ménages victimes de précarité énergétique. Yannick Jadot veut par ailleurs "remettre les citoyens au cœur de la décision" et prévoit de prélever 1 % des bénéfices des promoteurs immobiliers pour financer les actions citoyennes en matière d’urbanisme et de créer un fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne, financé par un prélèvement de 5 % sur les financements de la démocratie représentative : partis politiques, réserves parlementaires, campagnes électorales, etc. Les marchés publics devront majoritairement bénéficier à des entreprises implantées dans la ville ou le quartier. Il milite également pour généraliser l’encadrement des loyers dans les zones tendues et instaurer la garantie universelle des loyers.

Benoît Hamon : "Le revenu universel et les APL pour les 18/25 ans, dès 2018"

Le candidat surprise de la Belle Alliance Populaire estime qu’il faut considérablement investir dans le logement mais "qu’il ne peut pas y avoir de lutte efficace contre le mal-logement s’il n’y a pas de lutte contre la pauvreté". Il annonce vouloir maintenir les APL en y ajoutant son fameux "revenu universel", dont il mesurera l’impact en premier sur les 18/25 ans, dès 2018. Il vise également la construction de 150 000 logements sociaux et très sociaux par an, en rétablissant les aides à la pierre, jusqu’à un milliard d’euros par an, financées à parité entre Etat et organismes HLM, et porte à 30 % (contre 25 % aujourd’hui) le quota de HLM dans la centralité des grandes métropoles, là "où il faut organiser la mixité sociale". Il prévoit l’extension de l’encadrement des loyers à toutes les zones tendues ; la garantie universelle des loyers (GUL) sera assurée par la puissance publique. Benoît Hamon souhaite également créer "une grande loi foncière, notamment la révision des bases locatives, pour rendre plus visible et plus stable la fiscalité pour les acteurs et bailleurs". Initiateur de la loi Economie sociale et solidaire (ESS), qui encourage un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire, le candidat de la Belle Alliance Populaire explique qu’elle a été pensée à 80 % par les différents acteurs concernés venant du terrain. Il souhaite faire de même avec la politique du logement de son quinquennat, qui sera issue d’une grande conférence du logement "qu’il organisera dans les six mois de son élection". Interrogé sur le bilan du quinquennat de François Hollande, Benoît Hamon en a profité pour féliciter la volonté du gouvernement,  en particulier Cécile Duflot, "d’avoir lutté contre la spéculation, d’avoir mis de la régulation sur le marché, d’avoir encadré les loyers" car selon lui, "l’économie du logement d’aujourd’hui, c’est une économie de la rente foncière".

Emmanuel Macron : "Créer un choc de l’offre"

Le candidat d’En Marche, peu loquace sur son programme jusqu’ici, s’est bien rattrapé devant une salle comble. Il estime que la crise du logement ne se règlera qu’au prix d’un "choc de l’offre, en construisant des logements dans les zones tendues et en créant de nouvelles formes d’opérations d’intérêt national (OIN) pour mobiliser encore plus de foncier, raccourcir les procédures et ainsi construire du logement social et très social". Concrètement, cela permettrait de construire 30 000 logements supplémentaires par an en Ile-de-France et 15 000 en Paca. Mais avant toute chose, Emmanuel Macron veut instaurer le droit à la domiciliation des sans-abri, car "une adresse, c’est fondamental". Comme la Fondation Abbé Pierre, il prône "le logement d’abord". Pour répondre à l’urgence, il veut créer 10 000 places supplémentaires en pension de famille sur le quinquennat (contre 1 000 par an actuellement), en investissant de 25 à 35 M€/an, "et donc de permettre le redéploiement de l’argent mis dans les hôtels, ailleurs". Car l’Etat "met 1,3 Md€ sur le logement d’urgence mais seulement 200 M€ pour créer des logements accompagnés : il faut inverser cette logique". Il propose en ce sens d’augmenter la part d’intermédiation locative en mobilisant davantage les bailleurs sociaux, avec l’objectif de 40 000 places supplémentaires sur le quinquennat, pour passer de 25 000 à 65 000. Questionné par Christophe Robert sur sa proposition de réduire le bail mobilité à un an au lieu de trois ans aujourd’hui, le candidat d’En Marche explique ne pas vouloir le remettre en cause, "car il a sa place sur le marché", mais vouloir le rendre accessible à "ceux qui ont des contrats courts, comme des stages, ou de l’interim" et ainsi "recréer un segment de marché qui n’existe pas aujourd’hui". Ce bail de un an évitera également, selon lui, que "ces biens sortent du marché du logement pour se détourner vers la location touristique".

La fondation Abbé Pierre a également demandé des précisions au candidat sur les APL. Réponse d’Emmanuel Macron : "le cœur de la réponse à la crise du logement ne peut pas être l’APL", qu’il ne touchera pas aujourd’hui "car le reste à charge pour les ménages est encore trop important". Il propose de garder le mécanisme de plafonnement des aides au logement "lorsque le marché est en tension", mais de mettre l’essentiel de la puissance publique "sur la logique d’offre et de construire plus, et ainsi faire revenir les investisseurs". Les efforts de rénovation thermique seront concentrés sur les plus précaires, l’ensemble des mesures fiscales sur ce sujet sera dévoilé "dans une dizaine de jours". (BP)

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Les propositions de la fondation

Au-delà des expérimentations,  le "logement d’abord" doit être généralisé pour la fondation, qui propose des logements accessibles financièrement aux plus modestes, la mobilisation du parc privé et la solvabilisation les ménages. Davantage de transparence dans l’attribution des logements sociaux est également souhaitée, grâce à l’affirmation des intercommunalités comme autorités organisatrices des attributions. La fondation désire rendre accessible le parc social aux ménages à bas revenus en produisant des catégories de logements en phase avec la demande. Il faut, selon elle,  prolonger l’effort de mutualisation financière entre bailleurs ainsi que voter une loi de programmation pluriannuelle pour le logement social. La mobilisation du parc privé à des fins sociales est déterminante pour la Fondation Abbé-Pierre, qui appelle de ses vœux une remise à plat des dispositifs (subventions et avantages fiscaux) qui existent actuellement pour les bailleurs privés. Elle souhaite la mise en place d’un véritable dispositif de garantie des loyers, universel et obligatoire, pour réduire les expulsions locatives. La lutte contre l’habitat indigne pourrait s’inspirer du programme Habiter Mieux, indique la fondation, qui rappelle l’enjeu d’un grand plan de rénovation des passoires énergétiques. Un autre levier d’action complémentaire permettant d’atteindre l’objectif de mixité sociale devrait concerner la recherche de mixité en incitant les ménages en QPV à y rester tout en poursuivant leur parcours résidentiel. Il est indispensable de renforcer l’encadrement des loyers, en particulier en région parisienne, et de l’étendre à toutes les zones concernées par la loi, ajoute la fondation, qui veut revoir les valeurs locatives cadastrales qui n’ont pas été réévaluées depuis 1970.

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