Après les inondations qui ont frappé l’Aude, l’heure est au bilan. Et à la réflexion. Ce département avait pourtant tiré des leçons d’un précédent drame. "La crue de 1999 a été l’élément fondateur d’une politique de prévention et de gestion du risque inondation par bassin versant unique en France", rappelle Pierre-Henri Ilhes, maire socialiste de la Redorte et président du Syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières. Le premier Programme d’actions de prévention des inondations (Papi 2006–2013), alors doté de 81 M€, avait permis de prescrire ou d’approuver plus de 200 plans de prévention des risques inondation (PPRI), de restaurer 4 000 km de berges, ou encore de construire plusieurs ouvrages hydrauliques, dont une digue de 10 km à Cuxac-d’Aude. "L’absence de victimes et de gros dégâts matériels dans notre commune montre qu’elle a joué pleinement son rôle", relate le maire (DVD), Jacques Pociello. Pour Alain Péréa, député (LREM) de l’Aude et membre de la commission mixte des inondations au niveau national, les travaux n’avancent pas assez vite "à cause d’une gestion administrative séquentielle". Et certains ouvrages sont irréalisables car "trop coûteux, avec un résultat aléatoire".
Un constat qui appelle d’autres mesures, notamment pour lutter contre l’artificialisation des sols. "Nos efforts actuels portent sur l’entretien de la zone d’expansion des crues pour que l’eau s’écoule le plus vite possible vers les exécutoires naturels", témoigne Jacques Pociello. Face au déficit d’ingénierie publique dont souffre les communes, sur les problématiques de l’eau, le Papi 2 (2015–2020) préconise d’ailleurs de mieux les accompagner dans la prise en compte de la gestion du ruissellement pluvial.
Urbanisme raisonné
"Il s’agit aussi d’éviter l’implantation de nouveaux projets d’aménagement dans les espaces de mobilité des cours d’eau", précise Pierre-Henri Ilhes. Car en 2018 comme en 1999, le constat est le même : "rien ne peut empêcher les rivières de retrouver leur lit naturel", insiste t-il, tout en appelant à ne pas reconstruire à l’identique. "Question de bon sens, doit-on continuer à poser des prises électriques à ras du sol ou du placo au mur ?", interroge Alain Péréa. Lequel souligne la nécessité de s’appuyer sur de nouvelles solutions développées par les architectes pour concevoir "un urbanisme raisonné" en zone inondable.
"Le PPRI restreint énormément le périmètre constructible d’une commune et pénalise son développement économique", déplore Jacques Pociello. "Cuxac se retrouve avec une population vieillissante et des écoles qui ferment alors que nous pourrions construire en respectant la mise à niveau des planchers et en expérimentant des maisons sur pilotis". Un sujet encore tabou en France selon Alain Péréa : "en 2003, le Scot de Narbonne envisageait de créer un quartier flottant en zone inondable mais le projet est resté lettre morte, dans la crainte d’un bras de fer avec les services de l’Etat". Conclusion ? : "à nous d’apporter aux maires des outils réglementaires à la hauteur des enjeux".