Avenir du Grand Paris : ce que veulent les candidats à la présidentielle

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Que deviendra "l’espace métropolitain" de Paris après l’élection du président de la République ? C’est la question que l’Amif a posée aux représentants de plusieurs candidats à la magistrature suprême, le 30 mars.

Si plusieurs intervenants se sont prononcés pour un retour à l’ordre ancien, peu ont plaidé pour un nouveau chamboule-tout. La stabilité semble de mise chez les candidats modérés, avec des améliorations, à la marge, du fonctionnement du Grand Paris.

"Renforcer le fait métropolitain"
Jean-Jacques Bridey, maire socialiste de Fresnes (94), rallié à Emmanuel Macron, s’est d’emblée prononcé pour la MGP, en précisant qu’elle devrait s’élargir, afin d’englober toute la zone dense, de Roissy (95) à Evry (91). "Il faut avant tout que ce soit un projet", a-t-il ajouté, "sinon cela ne marchera jamais". Il souhaite qu’elle reste une intercommunalité, structure qui permet "le dialogue entre les maires et entre les maires et les autorités". Son candidat s’était déjà prononcé pour la disparition des Conseils départementaux dans les territoires où ont été créées des métropoles, avec répartition de leurs compétences entre la Région et la Métropole. Au sein de la MGP, les prérogatives seront ventilées entre Métropole et EPT, précise le maire de Fresnes. Estimant que "ce quinquennat a été marqué par de gros progrès en matière de péréquation, surtout entre collectivités franciliennes", il espère que l’arrivée du Grand Paris Express permettra de réduire les inégalités territoriales. Mais "seulement si on construit des pôles de développement autour des gares, avec des bureaux, des commerces".

"Mettre un coup d’arrêt au couple Région-Métropole"
François Cocq, adjoint (PG) au maire de Champigny-sur-Marne (94), soutien de Jean-Luc Mélenchon, estime que la finance "pèse sur nos choix collectifs, et l’organisation institutionnelle du pays n’est pas épargnée". En témoignent, selon lui, les réformes entreprises dans le quinquennat qui s’achève, qui ont renforcé le couple Région-Métropole. "Il faut y mettre un coup d’arrêt". Cette Métropole qui, selon lui, donne trop de place à son centre, Paris, qui peut désormais "imposer des mesures" aux communes périphériques. Et de prendre l’exemple de la piétonnisation des voies sur berges, ou les choix d’aménagement du bois de Vincennes, sans préciser s’il se réfère à la nouvelle aire d’accueil des gens du voyage, inaugurée la semaine dernière. De plus, la métropole existe en fait pour "étouffer" les communes, à la fois par transfert de compétence, et par la perte de l’autonomie en matière fiscale. En conclusion, il assène que "cette réforme territoriale est un processus antidémocratique". Il faudra "abroger les lois Notre et Maptam, et lancer un processus constituant pour déterminer notre organisation territoriale". Il s’agira de "tout remettre en place par un processus de remise à plat". Dans cette optique, il est "hors de question" que la métropole absorbe les départements de petite couronne.

Créer un "établissement public de coopération interdépartementale"
Wallerand de Saint-Just, conseiller régional FN et représentant de Marine Le Pen, veut également abolir le couple Région-intercommunalité. Il souhaite une organisation à deux strates, communes et départements, précisant ultérieurement que la métropole deviendrait "un établissement public de coopération interdépartementale". Il tacle au passage le Grand Paris Express, qui incarne "toutes les dérives technocratiques : fascination pour les grands travaux, ponction fiscale, capitalisme de connivence". Il soutient en outre que le logement doit être une politique communale, et que "c’est aux maires de décider de construire ou non et quoi construire". La décentralisation ayant eu pour effet pervers d’augmenter les inégalités, la suppression de plusieurs strates devrait permettre de lutter contre ces inégalités.

Différenciation selon les territoires, au cas par cas
Hugues Portelli, maire (LR) d’Ermont (95), qui représentait François Fillon, pense que, depuis douze ans, droite et gauche ont "voté des lois ineptes" en matière d’organisation du territoire. "Au parlement, tous les lobbies s’expriment : élus de montagnes, élus ruraux, urbains, etc.". Il faut donc une "pause législative". D’autant que "le vrai problème est financier". Il considère en revanche que "la carte départementale française d’aujourd’hui n’est pas adaptée à la réalité, elle date de 1790. Les conseils départementaux (CD) doivent conserver la compétence de solidarité, mais pour le reste, il faut regarder au cas par cas, selon les territoires, l’échelle pertinente pour chaque compétence. Il ne faut pas avoir peur de la différenciation selon les territoires de la République".

"Pas de grand soir de la réforme territoriale"
Stéphane Troussel, président (PS) du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, et représentant de Benoît Hamon, admet que la situation est imparfaite. Mais, pour lui, "les limites à l’organisation actuelle de la zone métropolitaine sont notre responsabilité collective, pas seulement celle du législateur". Et si "ni la loi Notre ni la loi Maptam n’ont simplifié" la situation, ce n’est qu’une étape dans la construction de modernisation de l’organisation territoriale. Cela étant dit, "nous ne pouvons pas passer le prochain quinquennat à bouleverser de nouveau cette organisation". Son candidat s’attellera donc d’abord à "corriger les difficultés", avec trois principes : "la fin de la baisse des dotations, le maintien de l’autonomie fiscale des collectivités inscrites dans la constitution, et enfin, la définition d’une vraie stratégie de service public". Par ailleurs, pour lui, "la réduction des inégalités n’est pas un objectif partagé, et la ségrégation sociale et territoriale n’est pas le fait d’une main invisible. Il n’y a qu’à voir les débats au Conseil métropolitain : certains maires n’ont aucune volonté de réduire les inégalités territoriales, et refusent le logement social". Concerné au premier chef par l’avenir des départements de petite couronne, il concède qu’"il faut réfléchir à l’avenir des CD au sein de la MGP". Il rappelle toutefois que c’est "sur les compétences communales que la MGP a été construite", et que "celles des départements ne sont pas concernées. "Je ne sais pas quelle est la volonté des maires en termes d’intégration territoriale, à mon avis c’est différent dans chaque EPT. Et je ne crois pas que Patrick Ollier réclame les compétences sociales des départements, mais si ce sont les communes qui se retrouvent à gérer le RSA, les inégalités territoriales vont s’aggraver". Convaicu, lui aussi, du "fait métropolitain", il pense qu’"il n’y aura pas de grand soir de la réforme territiale. Le Grand Paris est inscrit dans la vie des citoyens".

Suppression de la Région
Georges Joubert, maire de Marolles-en-Hurepoix (91), soutien de Nicolas Dupont-Aignan, estime que la réforme territoriale en général, et la création de la MGP en particulier, correspondent à "la feuille de route de l’UE". "Ces mesures sont là pour donner des gages à l’UE car François Hollande n’a pas voulu agir sur le déficit ou le droit du travail". Considérant que "les métropoles s’épanouissent de l’appauvrissement des territoires périphériques", il compte lui aussi baser sa "stratégie de développement du territoire national sur la commune et le département". "Toutes ces réformes ont pour conséquence l’augmentation des charges fiscales. Il faut au contraire les réduire. Au lieu d’épaissir le mille-feuille territorial, il faut l’alléger" : son candidat prône donc la suppression de la Région. Il faut enfin "desserrer l’étau qui pèse sur les maires". A cet effet, "toute future réforme sera basée sur l’incitation, et dans un objectif de baisse des dépenses".

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