"Les acteurs de la fabrique urbaine à l’heure des transitions : responsabilités partagées ?", interrogeait la séance plénière de clôture du 19ème Forum des projets urbains, le 12 novembre.
Pour Yves Contassot, président de l’Agence parisienne du climat, "les solutions sont sur la table, ce qui manque c’est la volonté politique", pour raisonner à des échelles pertinentes (et non dans un "conflit d’échelles" comme au sein de la Métropole du Grand Paris) ; pour avoir "une approche systémique" et non juxtaposer des politiques sectorielles ; pour fixer des règles stables (par exemple en matière de fiscalité des travaux de rénovation énergétique). "Ce n’est pas agir qui est difficile, c’est décider d’agir", constate Stéphane Keïta, pdg de la Scet.
Des avancées d’autant moins évidentes que "nous vivons dans un système dont le corpus réglementaire a été construit à une période où les enjeux environnementaux étaient peu perçus", analyse Laurent Girometti, directeur général d’EpaMarne/EpaFrance. Stéphane Keïta confirme : "on a des projets qui sont conçus intellectuellement avec un logiciel des années 60–70, qui sont montés avec des outils des années 80–90, qui sont lancés dans les années 2010–2020, mais qui restent extrêmement marqués par une certaine idée de la croissance. On a du mal à s’en défaire, même s’il faut rester optimiste, puisque tout le monde cherche, avance, essaie de trouver des solutions pour décarboner, pour désartificialiser…".
Les solutions, Raphaël Ménard, président d’Arep, l’agence d’architecture et d’urbanisme de SNCF Gares et Connexions, souhaite les déployer en cinq chantiers : le bas carbone ; l’adaptation au changement climatique ; la biodiversité (ou "comment faire de tout projet architectural et urbain non pas un territoire de minéralisation mais au contraire un catalyseur de la biodiversité et du vivant") ; les matériaux, pour un mix constructif biosourcé, géosourcé et faisant massivement appel au réemploi ; enfin se débarrasser des énergies fossiles. Mais aussi, pointe Yves Contassot, "se doter de capacités d’analyse et se former – élus et services – afin d’être capable de ne pas accepter des projets de concepteurs, d’aménageurs ou de promoteurs qui seraient contraires à l’intérêt général". "Aujourd’hui, on construit les logements là où c’est le plus rentable financièrement. On voit la spéculation exploser autour des futures gares [du Grand Paris Express], on voit en proche couronne, dans des zones pavillonnaires, des promoteurs racheter chaque pavillon au double de sa valeur parce qu’ils savent qu’en en achetant 3, 4, 5, ils vont pouvoir faire une opération de promotion immobilière hyper-rentable, au détriment de tout ce qui fait le cadre de vie, le paysage, etc".
Laurent Girometti vante l’approche systémique développée pour chaque opération à Marne-la-Vallée . "A partir du moment où l’on cède du foncier, on a une capacité de prescription assez importante : c’est ainsi que nous nous sommes fortement positionnés sur la construction bois, l’emploi des matériaux biosourcés, la biodiversité (la préservation de trames vertes et bleues ayant été présente assez tôt dans le projet de la ville nouvelle). Ou par exemple des opérations en terre crue, basées sur un gisement local lui-même situé sur un terrain qui nous appartient et où l’on va traiter avec un industriel disposant d’une implantation locale. Des actions ou des partenariats qui nous emmènent au-delà du métier d’aménageur classique".
"Si l’on veut respecter l’objectif de l’accord de Paris, la trajectoire de décroissance des émissions, c’est 5 à 10 % par an", souligne Raphaël Ménard, qui préconise une double comptabilité, économique et environnementale, "à tout moment de la décision, dans chacun de nos sujets d’investissement, dans chacun de nos business models". Stéphane Keïta invite à aborder la complexité, à expérimenter – "apprendre à gérer la tension entre l’immédiateté de l’exigence du citoyen et la durée parfois extrêmement longue des projets d’aménagement, avec l’élu entre les deux, en identifiant des moments de maturité qui permettent de développer certains points, pas hyper-structurants dans le projet, mais qui permettent de donner satisfaction et de montrer qu’on va dans un certain sens". Il invite aussi à envisager sérieusement la "sanctuarisation" comme une "piste de préservation de la biodiversité".
(Compte-rendu intégral à retrouver dans Traits urbains n°108, décembre 2019)